Interprétation: édifice public,
article 1.01 a)

1. Accessible au public

Le terme «public» ne doit pas recevoir la définition usuelle du dictionnaire, c’est-à-dire «qui est accessible au public».

Jurisprudence 1 :

«Que le travail d’entretien soit fait dans un édifice à bureaux à son usage exclusif, ne change rien au fait que ce genre d’édifice est prévu à la définition des mots «édifices publics» contenue au décret…

La Cour est d’avis que le caractère public d’un édifice ne provient pas du seul fait de l’ouverture de cet immeuble à tout le public mais plutôt de la définition qu’a voulu y donner le Législateur dans le décret. Lorsqu’une telle définition existe dans une loi, elle a priorité sur tous les dictionnaires ou sur le sens courant habituel de ces termes…

Il est évident que les usines, les ateliers, les fabriques ne sont pas des lieux où le public a librement accès et le Législateur a inclus ces lieux dans sa définition d’édifices publics.

La Cour en vient donc à la conclusion que l’édifice à bureaux de la prévenue est un édifice public au sens du décret concerné.

Comité paritaire c. Dominion Textile Inc.
Cour des Sessions de la paix, le 8 décembre 1983
M. le juge Cyrille Morand
Confirmé par la Cour Supérieure, Juge Jacques Vaillancourt, le 7 juin 1984

Jurisprudence 2 :

«Un «club privé» qui offre les services d’une salle à manger, d’un restaurant, d’un bar, d’une salle de conférence et d’une bibliothèque est un édifice public. Et le fait que pour utiliser les services de cet immeuble il faille être membre de la prévenue ou invité d’un membre ne change en rien le caractère public de cet édifice».

Comité paritaire c. Le club universitaire de Montréal
Cour des Sessions de la paix, 12 octobre 1984
M. le Juge Cyrille Morand
Confirmé par la Cour d’Appel, Juges Lebel, Beaudoin, Brossard 23 janvier 1991

2.  Roulottes ou autres édifices non permanents

Il n’y a pas nécessité d’être un édifice à caractère permanent pour être un édifice public. À preuve, les expositions, foires et estrades font partie de l’énumération de l’article 1.01 a). Des roulottes sur un chantier de construction abritant des bureaux, des salles de conférences, sont donc aussi des édifices publics.

Jurisprudence :

Comité paritaire c. Conciergerie Michel Jobin Inc.
Cour du Québec, 4 décembre 1992
M. le juge Bernard Lemieux

3. Les chambres d’un centre d’accueil, d’un collège, etc.

On peut retrouver des chambres dans un collège, un hôpital, une maison de convalescence, un centre d’accueil, une colonie de vacances, un couvent, un monastère, une maison de retraite, un hôtel, un motel, une auberge.

Il faut d’abord tenir compte de l’exclusion concernant le  «travail d’entretien effectué dans les chambres d’un hôtel ou d’un motel»

(article 2.03, 1o)

Quant à toutes les autres chambres, elles sont incluses dans la définition d’édifice public et l’entretien ménager qui y est fait est soumis au décret et cela même si la chambre est un lieu privé (qui peut même se barrer) au sens du dictionnaire.

Interprétation : travail d’entretien,
article 1.01 c)

1. Ramasser les papiers ou autres déchets pour le recyclage

Le fait de ramasser le papier dans des contenants identifiés pour le recyclage est prévu à l’article 1.01d) : «l’enlèvement… du contenu des bacs de recyclage de plus de 66cm x 91cm», et est également assimilable «au nettoyage de paniers à papier» décrit à la classe B (article 1.01e) et donc assujetti au décret. Ce que l’on fait avec le papier après son ramassage n’a pas d’effet sur son assujettissement au décret.

Par contre l’activité de déchiquetage du papier n’est pas assujettie au décret.

Ce principe de l’assujettissement du ramassage de papier même destiné au recyclage s’applique à tout autre déchet.

Jurisprudence :

«Bien plus, la tâche qui lui fut attribuée et qui consistait à récupérer les découpures de tissu, soit en les balayant, soit en les ramassant à la main, pour ensuite les placer dans des contenants de plastique destinés à un recyclage, «constitue d’autres travaux analogues exécutés à l’intérieur de cet édifice public». La preuve a clairement établi que sans cette opération de déblayage, la production de l’usine aurait pu être sérieusement compromise.

Le fait que ces découpures ne puissent être considérées comme de véritables ordures, étant donné qu’on pouvait les ranger dans la catégorie des déchets nobles, puisque recyclables, ne saurait constituer une défense acceptable.»

Comité paritaire c. Les Modes Internationales Contempra Ltée
Cour provinciale, le 19 janvier 1988
M. le juge Bernard Tellier

2. Entretien à l’extérieur

Le mot «extérieur» couvre l’espace autour de l’édifice. Ainsi le balayage du trottoir d’entrée et du trottoir autour de l’édifice, le ramassage des papiers dans le gazon et le nettoyage de l’enclos à déchets sont assujettis.

3. Nettoyage après incendie (feu ou sinistre)

Le travail d’entretien après incendie est assujetti.

Jurisprudence 1 :

«C’est donc à la nature même des travaux qu’il faut s’en remettre pour déterminer si l’intimée est assujettie au décret, et non à la source, occasion ou cause du travail.

La Cour est d’avis que le législateur a voulu que le décret s’applique à un travail d’entretien et non à la fréquence ou les modalités selon lesquelles il était accompli;»

Comité paritaire c. Nettoyeur Professionnel Inc.
Cour Supérieure, 22 octobre 1976
M. le juge Gilles St-Hilaire

Jurisprudence 2 :

«Or poursuit l’appelante, je ne fais pas l’entretien des édifices, mais je les restaure, je les remets en bon état quand ils ont été endommagés par l’eau ou par le feu à la suite d’un sinistre. Maintenir en bon état et remettre en bon état sont deux choses différentes.»

«Malheureusement pour l’appelante, la langue correcte et la langue du décret sont aussi deux choses différentes. Dans l’interprétation d’un décret, il faut préférer la définition du décret à celle des meilleurs dictionnaires.»

(L.P. Pigeon, Rédaction et interprétation des lois, p. 20).

«Par conséquent, selon le vocabulaire du décret cité, les travaux d’entretien comprennent non seulement un travail se rapportant au nettoyage d’entretien, mais aussi tout autre travail se rapportant au nettoyage, y compris celui fait dans un but de restauration ou de remise en état.»

Nettoyeur professionnel Inc. c. Comité paritaire
Cour d’appel, 6 octobre 1977
Juges Rinfret, Turgeon, Mayrand

Jurisprudence 3 :

«Il n’y a rien, non plus, dans la Loi ou dans le décret qui puisse permettre à la défenderesse d’être exemptée de leur application en fonction de ses trois types d’activités qu’elle a mis en preuve, soit 75% en nettoyage après sinistre,… »

Comité paritaire c. Steamatic Métropolitain Inc.
Cour du Québec
29 mars 1995.

En pratique, sont donc couverts les travaux de lavage et de nettoyage de planchers (tapis), murs intérieurs et extérieurs, plafonds, fenêtres ainsi que tous les meubles (pupitres, classeurs, chaises, ordinateurs, tous types de machine, etc.).

4. Tâches accessoires

L’entretien ménager fait de façon accessoire, sporadique et accidentel n’est pas assujetti.

Jurisprudence 1 :

«Pendant une journée normale de 8 heures, Comeau et Fournier, comme «tray boys», exécutaient le travail de leur tâche; pendant ce temps, ils prenaient un peu plus d’une vingtaine de minutes non consécutives, pour parfois enlever des marques de doigts ou autres sur des miroirs placés près des tables ou des liquides répandus par des clients sur le plancher et transporter des poubelles sur une distance de quelques pieds vers l’un des restaurants.

Si tant est que ces dernières opérations puissent être considérées comme travail d’entretien, la Cour ne croit pas cependant que l’action de la demanderesse doive être accueillie pour autant.

En effet, le Décret relatif au personnel d’entretien d’édifices publics vise le travail dont la nature et l’essence sont l’entretien d’édifices publics et est exécuté par des salariés pendant des semaines, des journées ou des heures.

Ce décret ne concerne pas le travail d’une autre nature, même si accessoirement et sporadiquement il comporte des opérations pouvant ressembler à l’entretien et qui sont exécutées accessoirement et accidentellement pendant plusieurs espaces de temps d’une durée de quelques minutes chacun, lesquelles, additionnées ensemble, ne forment même pas une demi-heure et sont perdues dans une journée entière d’un travail complètement différent.»

Comité paritaire c. Sogemail Inc.
Cour provinciale, 23 juin 1983
M. le juge Pierre Choquette

Les mots «sporadique» et «accidentel» sont importants puisqu’il en irait tout autrement si dans le cas cité les deux employés avaient dû laver le plancher à tous les soirs pendant deux heures. Ces deux heures sur huit n’auraient constitué que 25% de la tâche mais auraient eu un caractère de permanence plutôt que d’accessoire, de sporadique et d’accidentel. Ces deux heures seraient assujetties.

Jurisprudence 2 :

«En pratique, un employeur pourra être assujetti à plusieurs décrets; il pourra même être assujetti à un décret à l’égard d’une partie marginale, voire exceptionnelle de ses activités.»

Comité paritaire de la chemise c. Jonathan Potash (Sélection Milton)
Cour Suprême du Canada, 27 janvier 1994
M. le juge Laforest

5. Tournée de papiers de toilette et savon

La tournée de papiers de toilette et savon, qu’elle soit accompagnée ou non de travail d’entretien léger des salles de toilette est considérée comme du travail d’entretien.

6. Assujettissement et classification du travail d’entretien effectué dans les foires alimentaires (aires communes de restauration) situées dans les centres commerciaux et les édifices à bureaux

Le travail effectué par les commis débarrasseurs ou desserveurs dans les aires communes de restauration comprend les tâches suivantes :

  • Jeter les déchets accumulés sur les tables
  • Rapporter les cabarets aux comptoirs
  • Nettoyer les taches et déversements de liquide ou de nourriture sur le mobilier (tables, chaises, tabourets, bancs, etc.)
  • Laver les planchers
  • Vider et nettoyer les poubelles

Ces tâches sont effectuées et intégrées dans une routine de travail. Elles correspondent à un concept largement reconnu par la jurisprudence qui stipule que l’assujettissement à un décret repose sur l’exécution, sur la nature du travail ou sur le genre de travail.

Le Comité paritaire considère que les tâches effectuées par ces salariés communément appelés » commis débarrasseurs » ou » desserveurs » répondent à la définition de l’article 1.01c) et sont donc assujetties au décret et ce, dans leur intégralité. Ainsi, certaines de ces tâches devront être rémunérées au taux horaire de classe A alors que d’autres le seront au taux horaire de classe B.

L’employeur doit rapporter dans ses rapports mensuels tous ses salariés, incluant ceux effectuant des travaux de nettoyage dans les foires alimentaires (aires communes de restauration) des centres commerciaux et édifices à bureaux et il doit leur octroyer les conditions de travail prévues au décret.

7. Travail d’entretien effectué en usine (Exemple de cas: usine de transformation de viande)

La jurisprudence confirme de plus en plus qu’il ne faut pas donner une interprétation restrictive à la notion de travaux de nettoyage.

La loi mentionne que les travaux de nettoyage effectués à l’intérieur ou à l’extérieur d’immeubles, bâtiments ou installations sont assujettis au décret. Mais une jurisprudence datant de décembre 2009 confirme que la définition de ces travaux ne peut être réduite seulement à l’entretien domestique ou au ménage de bureaux.

Cette jurisprudence reconnaît que, même si les travaux de classe A et B sont définis à l’article 1.01 du décret, la description n’en est pas exhaustive. À cet égard, il est confirmé que des tâches considérées par l’employeur comme des travaux d’assainissement ou comme des tâches d’entretien spécialisées sont assimilées aux travaux de classe A et B prévus au décret.

Ainsi, les tâches suivantes, exécutées dans une usine de transformation de viande, sont bel et bien des travaux d’entretien au sens du décret:

  • Rinçage à haute pression et à haute température des surfaces et équipements de travail;
  • Lavage de toutes les surfaces et des murs;
  • Essuyage de la condensation au plafond;
  • Application d’un produit assainisseur.

Référence:

Comité paritaire de l’entretien d’édifices de la région de Québec c. Drake International inc., Cour d’appel, 7 décembre 2009

Interprétation : jour de travail,
article 1.01 g)

Définition de jour normalement travaillé

L’incidence de cette définition se trouve aux articles 7.02, 7.04 et 7.05, qui traitent des congés fériés en faisant la distinction entre jour qui coïncide ou qui ne coïncide pas avec un jour de travail.

Le jour de travail est lié au salarié et peut varier d’un salarié à l’autre.

Dans le cas où le salarié a un horaire régulier :

Pour le salarié qui travaille normalement du lundi au vendredi, ces jours seront des jours de travail et les samedis et dimanches n’en seront pas.

Pour le salarié qui travaille normalement les lundis, mercredis et vendredis, ces jours seront des jours de travail et les autres jours n’en seront pas.

Dans le cas d’un horaire régulier, il n’est pas nécessaire d’examiner les semaines antérieures du salarié. Si le vendredi par exemple, fait partie du nouvel horaire du salarié, le vendredi sera un jour de travail dès le premier vendredi.

Dans le cas où le salarié a un horaire irrégulier :

Le problème survient quand un employé n’a pas d’horaire régulier. C’est le cas des surnuméraires, des remplaçants, des employés sur appel etc.

Comment considérer le lundi si l’employé a travaillé certains lundis et n’en a pas travaillé d’autres?

La Cour a accepté que le lundi (par exemple) est un jour de travail pour un employé s’il a travaillé 5 lundis sur les 8 derniers lundis.

Jurisprudence :

Comité paritaire des agents de sécurité c. Pinkerton du Québec ltée
Cour du Québec, Trois-Rivières, le 17 septembre 1993
M. le juge J.M. Châteauneuf

Interprétation : employeur professionnel,
article 1.01 h)

Agence de placement

L’agence de placement qui «place» un employé chez un entrepreneur, un propriétaire d’édifice ou un locataire, qui paie l’employé et qui peut le congédier est l’employeur professionnel. Elle doit alors respecter le décret et produire les rapports mensuels. Dans ce cas, l’employeur n’est pas celui chez qui l’employé travaille et qui lui donne des ordres.

Jurisprudence :

«Ici, il s’agit de déterminer qui doit payer le salaire minimum prévu au décret et le Tribunal est d’opinion que c’est l’employeur de l’employé. C’est-à-dire à tout le moins, celui qui l’a embauché, le paie et peut le congédier. Malgré le fait que l’employé devienne momentanément, sous le contrôle de fait d’un autre employeur, pour un ouvrage donné…»

Service sanitaire Luc Inc. c. Comité paritaire des boueurs de la région de Montréal, Cour Supérieure, 8 mai 1990

M. le juge Jean Jules Chabot

Également,


Comité paritaire c. Commercaide Ltée
Cour Provinciale, Montréal, 14 avril 1981
M. le juge Jacques Tisseur

et

Comité paritaire de l’automobile de Montréal c. Accès Chevrolet Oldsmobile Inc.
Cour du Québec, Montréal, 26 juin 1996
M. le juge Robert B. Giroux (96T-960)

Interprétation : service continu,
article 1.01 j)

1. Date d’embauche lorsqu’il y a des tâches d’entretien et d’autres tâches

Pour les fins d’application du décret, comment déterminer la date d’embauche d’un employé qui, dans une même entreprise, est assigné exclusivement à l’entretien pour certaines périodes, alors qu’à d’autres moments, il occupe d’autres fonctions?

Des exemples de ces cas sont:

1. Un employé affecté pendant 2 ans à la sécurité, puis muté à l’entretien.

2. Un employé d’une agence de placement qui fait parfois du ménage, parfois autre chose.

Dans ce type de situation, il n’y a qu’une seule date d’embauche, soit le premier jour de travail dans l’entreprise, quelle que soit la fonction. Peu importe l’occupation du salarié, son service continu s’accumule.

Ainsi, l’article 7.01 prévoit que l’employé bénéficiera de 3 congés à Noël et de 3 congés au Jour de l’An s’il a un an de service continu dans l’entreprise, dans l’entretien ou ailleurs.

L’article 8.04 prévoit que l’employé aura droit à 8% de vacances s’il a 10 ans de service continu, même s’il n’a que 3 mois dans l’entretien ménager.

De même, la durée des services continus ne sera pas interrompue si l’employé est transféré à d’autres fonctions que l’entretien (ou à l’entretien du secteur résidentiel par exemple).

Jurisprudence :

«Le tribunal est d’opinion que peu importe que le travail des salariés durant cette période de six mois ait été exécuté en tout ou en partie dans l’industrie de la chemise, du moment qu’ils ont accompli un service continu de six mois chez le même employeur ils ont droit aux montants additionnels portés au décret.»

Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. G.C. Knitting Inc.
Cour Provinciale, 28 novembre 1969
M. le juge Victor Chabot

2. Transfert d’un employé d’une entreprise soeur à une autre

1er cas : Un employé est transféré à une entreprise sœur alors qu’il demeure sur le même lieu de travail, sans interruption. L’ancien employeur doit alors transférer la date d’embauche et tous les bénéfices de l’employé au nouvel employeur.

2e cas : L’employé est transféré, même sans interruption, à un lieu de travail autre, qui appartient à l’entreprise sœur. Il n’y a alors pas de transfert du service continu, à moins que le Comité paritaire puisse prouver la mauvaise foi. Par exemple, il pourrait s’agir d’un stratagème pour éviter de payer l’excédent des heures de maladie prévu à l’article 12.02.

Le premier employeur doit toutefois donner un préavis.