Les pouvoirs du Comité paritaire

1. Pouvoirs raisonnables d’inspection

L’inspecteur peut-il exiger la conciliation bancaire et le journal des déboursés lors de son inspection?

La Loi sur les décrets de convention collective est une loi de nature réglementaire dont le but est d’assurer des conditions de travail décentes dans certains secteurs de l’industrie où les salariés comptent parmi les plus vulnérables.

Les documents requis pour l’inspection, tels que définis par l’article 22 de cette loi, sont de nature commerciale. Le risque de saisir possiblement des éléments de nature personnelle n’influence pas le caractère raisonnable des pouvoirs conférés par la Loi sur les décrets de convention collective.

Les conciliations bancaires, chèques et journal de déboursés sont des documents nécessaires afin de déterminer le respect et l’application de la Loi sur les décrets de convention collective.

L’esprit de la loi est de donner aux inspecteurs les pouvoirs nécessaires à l’exécution de leur travail. La Loi d’interprétation (L.R.Q. ch. 1-16) prévoit que :

Article 41. « Une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin. »

De façon plus précise, dans une décision rendue en septembre 2010, Mme la juge Johanne White a eu à répondre aux deux questions suivantes :

1. L’employeur est-il tenu de fournir à l’inspecteur l’ensemble de tous les chèques retournés des trois derniers mois ?

2. La nature purement administrative de l’inspection, de même que l’absence de tout soupçon de non-respect de la loi, justifie-t-il le refus de l’employeur de transmettre les chèques exigés par le Comité paritaire?

À ces questions, la juge a répondu clairement ce n’est pas aux employeurs de décider quels sont les renseignements et documents pouvant être exigés dans le cadre d’une inspection. De plus, l’absence de motifs de soupçonner un non-respect de la loi ne justifie pas le refus de transmettre les documents que l’inspecteur est en droit de requérir dans le cadre de son inspection.

Jurisprudences:

Comité paritaire c. Can-Jan inc.

Cour du Québec, 23 juin 2004, Mme la juge Louise Villemure

Comité paritaire c. Groupe Laberge inc.

Cour du Québec, 23 avril 2004, M. le juge Louis Rémillard

Comité paritaire c. Les services d’entretien Bo-Lav inc.

Cour du Québec, 24 septembre 2010, Mme la juge Johanne White

2. Peut-on invoquer la Charte des droits et libertés pour refuser à l’inspecteur l’accès aux documents requis pour l’inspection?

L’employeur ne peut invoquer la Charte des droits et libertés pour refuser une inspection. Dans l’arrêt Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Potash (1994), la Cour suprême du Canada a répondu aux deux questions suivantes :

1. Les dispositions du paragraphe e) de l’article 22 de la Loi sur les décrets de convention collective qui accordent des pouvoirs d’inspection, sont-elles incompatibles avec l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés ?

2. Dans l’hypothèse où la Cour répondrait par l’affirmative à la première question, ces dispositions peuvent-elles se justifier dans le cadre de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés ?

La Cour a conclu que les pouvoirs d’inspection prévus à la Loi ne violent pas les chartes.

Dans cette décision, la Cour assimile tous les pouvoirs d’inspection à des saisies ou perquisitions au sens des Chartes. Toutefois, l’appréciation du caractère abusif de ces pouvoirs peut varier selon qu’il s’agit du domaine criminel ou réglementaire.

En regard des décrets de convention collective, la Cour estime que les pouvoirs d’inspection sont suffisamment circonscrits par la Loi et qu’ils ne sont pas abusifs.

En conséquence, la Cour n’a pas eu à se rabattre sur l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés pour évaluer s’il s’agissait là d’une limite raisonnable dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

3. Peut-on refuser ou restreindre l’accès aux lieux de travail des salariés?

L’employeur professionnel, l’employeur ou le client ne peuvent limiter les inspecteurs à certains endroits tels la cafétéria, le local de repos, le lobby ou autres.

L’inspecteur a le droit d’aller voir les salariés là où ils travaillent.

Jurisprudence :

«L’employeur appelant a été reconnu coupable d’avoir refusé à l’inspecteur du Comité paritaire du bois ouvré l’accès aux ateliers où travaillent les salariés. Il lui a seulement permis de les rencontrer dans la cafétéria des employés.

C’est à bon droit que le premier juge a conclu que l’inspecteur a un droit d’accès général aux lieux de travail, lui permettant même d’observer, s’il le désire, un employé en train de travailler à sa machine.

L’inspecteur ne peut vérifier la nature du travail et du produit fabriqué pour s’assurer de l’assujettissement de l’employeur au décret s’il est confiné à la cafétéria de l’entreprise pour interroger les employés.

Les « lieux du travail » désignent toute l’entreprise, y compris les ateliers. La version anglaise de l’article 33 utilise d’ailleurs les mots « the place where the work is being done », ce qui confirme l’interprétation que la Cour donne à la version française.»

Cuisirama Inc., c. Comité paritaire du bois ouvré du Québec. Cour Supérieure, Joliette, 4 juillet 1991

Juge Yves Mayrand, D.T.E. 911 T 835

4. Peut-on invoquer la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé pour refuser de communiquer un renseignement exigé par le Comité paritaire ?

Un employeur ne peut invoquer la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé pour refuser de donner au Comité paritaire les renseignements demandés concernant les noms et coordonnées de l’entrepreneur, de ses sous-traitants ou de ses employés, de même que tout renseignement prévu à la Loi sur les décrets de convention collective ou au décret.

L’article 18 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé traite de la communication de renseignements à des tiers.

Article 18. Une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel contenu dans un dossier qu’elle détient sur autrui:

1 – à son procureur;

2 – au procureur général si le renseignement est requis aux fins d’une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec;

3 – à une personne chargée en vertu de la loi de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, qui le requiert dans l’exercice de ses fonctions, si le renseignement est nécessaire pour la poursuite d’une infraction à une loi applicable au Québec;

4 – à une personne à qui il est nécessaire de communiquer le renseignement dans le cadre de l’application de la loi ou d’une convention collective et qui le requiert dans l’exercice de ses fonctions.